Le mythe de la sorcière : de la persécution à la célébration

Le mythe de la sorcière : de la persécution à la célébration

Pour les plus jeunes générations, la sorcière est une femme cool qui a des pouvoirs, grâce aux séries télévisées et autres ouvrages culturels récents. En revanche, la sorcière cache un lourd passé rempli de persécution, de torture et de marginalisation. Comment a-t-on réussi à passer d’une femme brulée vive sur le bûcher à une pratique publique de la sorcellerie sur les réseaux sociaux, à une figure largement revendiquée par les féministes dans leurs luttes ? 

Aujourd’hui, on se pose pour un petit cours sur l’histoire de la sorcière à travers les époques. Fais-toi un petit thé et viens t’indigner avec moi (parce que je te jure, quand j’ai fait mes recherches pour écrire ce post, j’ai eu des envies de violence). 

 

La sorcière dans l’Antiquité : redoutable vengeresse

Eh oui, la sorcière existe déjà dans l’Antiquité ! 

On peut notamment mentionner Circé, qui transforme les copains d’Ulysse en cochons dans L’Odyssée d’Homère ou encore Hécate, la déesse grecque de la sorcellerie et des enchantements, également associée aux esprits et à la nécromancie. 

On remarque déjà une connotation négative : la sorcellerie est un moyen de se venger, et elle est liée à la mort, aux esprits, à l’ombre...


La sorcière au Moyen-Âge et à la Renaissance : persécutions, chasse aux sorcières et misogynie généralisée

Tu te doutes bien, si tu connais vaguement l’histoire de la sorcellerie, que la connotation négative n’est pas prête de s’estomper. Bien au contraire.

Au 4ème siècle, Clovis instaure une loi, la Lex Salica, qui condamne les sorciers à payer de fortes amendes.

Cette loi est suivie par le code de Charlemagne au 6ème siècle, qui prévoit également des emprisonnements.

En parallèle de ces lois, les personnes soupçonnées de sorcellerie subissent un véritable lynchage de la part des villageois, sans qu’il n’y ait eu aucun procès ou condamnation, sur la base de simples rumeurs et on-dits. 

 

1326 marque le début des procès en sorcellerie, qui s’étendront sur près de 400 ans. 

Sans surprise, les procès et exécutions concernent surtout les femmes : elles représentent 80% des accusés et des condamnés. Les hommes accusés sont principalement liés à des femmes accusées. 

La théorie pour justifier cette majorité de femmes à l’époque est que, les femmes n’étant pas autorisées à occuper des postes religieux, elles se seraient senties exclues et auraient préféré se tourner vers le rival de Dieu, Satan. Mouais, si tu veux mon avis, j’en comprends que c’est la faute des hommes, vu que c’est eux qui les ont interdites de s’investir dans la religion.

Bref, passons.


Le stéréotype de la sorcière prend vie en 1487 avec l’écriture d’un traité, appelé “Le Marteau des Sorcières”, qui répertorie les signes révélateurs pour reconnaître une sorcière. D’autres traités seront imprimés dans les années suivantes, qui répandront la croyance que les sorcières sont des “esprits égarés” et qu’il faut les soigner comme des folles (oui oui, carrément). 

La popularité de ce genre d’écrits a conduit aux procès sur les bûchers dont on a tous entendu parler au moins une fois.

 

Alors, qui étaient les “sorcières”, à l’époque, selon ces traités ?

La sorcière est :  

  • une femme de classe populaire
  • qui est principalement sage-femme ou guérisseuse, dont les remèdes se basent sur l’utilisation des plantes

En gros, ce sont des femmes indépendantes, sages (au sens de, possédant du savoir) et utiles pour la société


Ah, avant que j’oublie : je trouve qu’il est bon de noter que les hommes religieux utilisaient ces mêmes méthodes médicinales à base de plantes (des jardins entiers étaient dédiés aux plantes médicinales dans les monastères), mais que ces hommes n’étaient évidemment pas considérés comme des sorciers… Quelle ironie.


Bon, et du coup, en cas de suspicion d’une sorcière, que pasa ? Eh bien, la femme était d’abord entièrement tondue, car la croyance considérait que les poils détenaient le pouvoir de la sorcière (oui oui… bref). Puis elle était torturée jusqu’à obtenir des aveux (à noter que la plupart donnaient de faux aveux, craquant simplement sous la torture infligée). Ils cherchaient également des “marques du diable” sur sa peau : grain de beauté, tâches de naissance…

Tu vas me dire : “un grain de beauté, c’est un peu léger pour condamner quelqu’un à mort”. Oui, rassure-toi, ils avaient d’autres méthodes, bieeeen plus fiables…

Pour prouver la culpabilité d’une sorcière, ils avaient notamment deux méthodes principales : 

  • Méthode numero uno : l’épreuve de la piqûre. Tout simple, ils piquent la personne soupçonnée et, si elle ne saigne pas, elle est déclarée coupable. Ce qu'ils oublient de dire, c'est qu'ils utilisaient souvent des seringues truquées avec une aiguille qui se rétractait (comme les gadgets d'Halloween, oui oui).
  • Méthode numero dos : l’épreuve de l’eau. Ils jettent la personne soupçonnée à l’eau, pieds et mains attachés pour qu’elle ne puisse pas nager et, si elle remonte à la surface, elle est déclarée coupable. Ah, et si la personne ne remonte pas à la surface et meurt noyée, bah… elle est innocente. Mais morte. Cool, non ?

Bref, on repassera sur les méthodes utilisées, parce qu’en plus d’être barbares et carrément pas éthiques, je les trouve personnellement assez hasardeuses. Un beau jeu de plouf plouf (sans mauvais jeu de mots).  


Il y a eu deux vagues de chasse aux sorcières : une première de 1480 à 1520, puis une seconde de 1560 à 1650. On attribue souvent les chasses aux sorcières à la période du Moyen-Âge, mais en réalité, c’était plutôt pendant la Renaissance. 


Les dernières persécutions se terminent vers la fin du 17ème siècle. 

  • Louis XIV remplace les exécutions par des bannissements à vie.
  • Au même moment aux États-Unis, suite à l’affaire des sorcières de Salem, le juge signe un document public d’excuse et de promesse de ne jamais recommencer ce genre de persécutions.
  • En Angleterre, la loi contre la sorcellerie est abolie en 1736 ; pourtant, la dernière exécution date de 1808… 

Cependant, quelques exécutions illégitimes se poursuivent dans certains pays (Suisse, Pologne, France), menées par des paysans. 

Les accusations continuent en Inde ou encore en Afrique. Là-bas, on teste les personnes soupçonnées de sorcellerie par une nouvelle méthode : celle du poison. Si la personne ne réagit pas au poison, elle est innocentée et le poison est éliminé par vomissement. En revanche, si la personne tombe malade ou meurt, on reconnaît sa culpabilité en tant que sorcière. Ces pratiques dureront jusqu’à la seconde moitié du 20ème siècle (ce qui est quand même relativement tard, comparé aux persécutions du 15ème siècle). 

Niveau chiffres, on estime environ 110 000 procès pour crimes de sorcellerie en Europe en seulement cinq siècles, ainsi qu’entre 50 000 et 100 000 victimes sur seulement deux siècles. Et, je le répète, tout ça étant 80% de femmes.


La sorcière à l’époque contemporaine : déconstruire les stéréotypes ou se les réapproprier ?

Enfin, on en arrive au point où, pour la première fois, on essaye de faire changer les mentalités sur l’image de la sorcière. 


En 1862, Jules Michelet écrit un livre où il cherche à présenter les sorcières sous un angle positif, comme des “femmes bienfaisantes et victimes”, en dénonçant notamment les chasses aux sorcières et les persécutions. 

Ça part d’un bon sentiment, mais à l’époque, dans une société encore immensément patriarcale, le livre fait scandale. 

 

Il faudra attendre les années 1970 (oui, encore un siècle plus tard) et la montée des mouvements féministes pour que la vision de la sorcière connaisse un nouveau tournant.

  • La première féministe à se revendiquer “sorcière” est Matilda Joslyn Gage, militante pour le droit de vote des femmes, pour les droits des Amérindiens et pour l’abolition de l’esclavage (une pépite, cette femme). 
  • En 1968, le jour d’Halloween, apparaît le mouvement “WITCH” (l’acronyme traduit donne : Conspiration féministe internationale venue de l'enfer). Des femmes défilent à Wall Street vêtues de capes noires, main dans la main, en scandant un chant berbère considéré comme sacré pour les sorcières algériennes. Elles firent chuter le marché de la bourse de 5 points (je ne m'y connais pas vraiment en bourse mais apparemment, oui, c’est beaucoup).

On connaît alors une vraie renaissance et revendication de l’image de la sorcière à travers le monde : 

  • Le slogan “nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler”, aujourd’hui bien connu grâce à Pinterest, se popularise aux États-Unis,
  • L’Italie s’y met aussi avec son slogan : “Tremate, tremate, le streghe son tornate !”, autrement dit “Tremblez, tremblez, les sorcières sont revenues !”
  • En France, une revue appelée “Sorcières” voit le jour, sur laquelle collaborent plusieurs femmes de renom.

Cependant, malgré cette réappropriation de l’image de la sorcière, ce n’est pas pour autant qu’elle est démystifiée auprès de tous : en 1992, Pat Robertson déclare publiquement : « Le féminisme encaourage les femmes à quitter leurs maris, à tuer leurs enfants, à pratiquer la sorcellerie, à détruire le capitalisme et à devenir lesbiennes » (ben dis donc, rien que ça). 

 

La sorcière, c’est une femme qui détient le savoir, qui est indépendante, qui refuse de se soumettre aux normes sociétales, qui n’a pas peur d’être marginalisée. L’image de la sorcière est aujourd’hui utilisée pour revendiquer les droits des femmes, la liberté, l’indépendance, l’émancipation, la lutte contre les oppressions et la misogynie. 

Et forcément, quand on n’a plus besoin des hommes, ceux-ci prennent peur et s’offusquent, se sentant obligés de rétorquer.

Les mêmes qui chassaient les sorcières chassent maintenant les féministes. Aujourd’hui encore, le terme “sorcière” est reconnu comme étant une insulte misogyne


La sorcière aujourd’hui : revendication, imagerie positive et fierté

L’image de la sorcière a depuis été reprise en long, en large et en travers dans la culture populaire. 

On essaye maintenant de transmettre une image positive, celle de la “bonne sorcière” : 

  • Glinda la Bonne dans Le Magicien d’Oz,
  • Ma sorcière bien aimée,
  • Sabrina l’apprentie sorcière,
  • Willow dans Buffy contre les vampires,
  • les soeurs Halliwell de Charmed,
  • Hermione Granger dans Harry Potter,
  • Nanny McPhee,
  • Mary Poppins… 

Les contes pour enfants et les films Disney continuent de conserver cette image de la méchante sorcière au nez crochu et qui mange les enfants ; mais on note quand même une volonté de changement plus récemment, avec par exemple Maléfique qui, au final, n’est autre qu’une gentille sorcière qui a été trahie. 

Grâce à ce nouveau souffle, on s’éloigne de l’image de la sorcière vivant en marge de la société. On montre maintenant que la sorcière est une citoyenne lambda, entourée d’une famille, d’un groupe d’amis, ayant un travail ou faisant des études… 

Les sorcières sont pleinement intégrées à la société et vivent “normalement”, leurs pouvoirs (ou plutôt "capacités") étant un petit truc en plus qui les aide au quotidien. Et grâce aux réseaux sociaux et à la libération de la parole, la sorcellerie n’est plus une pratique tabou et s’installe dans les mœurs.

 

La sorcière en a parcouru, du chemin, avant d’arriver sur Instagram et TikTok. Elle a subi des injustices, des violences, des exécutions hasardeuses, avant d’être enfin vue comme innocente et même plutôt cool comme femme. 

Heureusement que les temps ont changé ; cependant, bon nombre de personnes restent encore fermées à la spiritualité et continuent d’alimenter des préjugés vieux de plusieurs siècles. 

On ne peut qu'espérer que les réseaux sociaux continuent de populariser les pratiques liées à la sorcellerie : lithothérapie, cartomancie, rituels… Afin que la marginalisation des sorcières s’arrête pour de bon.

Si tu as déjà eu une mauvaise expérience face à quelqu’un qui n’acceptait pas tes pratiques spirituelles, ça m’intéresserait de te lire dans les commentaires. Au contraire, si tu n’as reçu que du soutien et du love, tu peux partager ton histoire également ! Ça donnera un peu d’espoir en l’humanité.

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1 comment

Super article clair et simple à comprendre. Je suis en train de lire justement un livre sur les persécutions faites aux sorcière:“Sorcières la puissance invaincue des femmes” de Mona Chollet. Pas facile à lire mais très enrichissant et révoltant.
Pourrais tu faire un article sur les sorcières de Salem cela m’intéresse. Merci
Bises et continue ce genre d’article c’est super.

Kerrinckx

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